L'As de Pique

Admin Messages : 171 Date d'inscription : 28/08/2008

L'As de Pique a écrit:: Propre sur lui dans sa toge pourpre agrémentée de fils dorés, cet Izgane possède l'aura intimidante de ceux qui ont vu et vécu plus que le commun des mortels. Ses cheveux, à moitié dissimulés par le foulard traditionnel, trahissent quelques mèches grises qui tombent en cascade sur un visage éreinté par une vie entière d'échauffourées. La large balafre rosâtre qui traverse sa peau cuivrée est le dernier témoin de la lame qui lui a emporté l'oeil gauche. D'autres cicatrices, plus petites, clairsèment ses joues et son menton, se mêlant à d'autres sillons d'une nature bien connue de tous les hommes d'un certain âge.
"Le vieux"; on l'a ainsi appelé maintes fois... mais pas en face. Car en la présence de l'homme, on ne peut s'empêcher d'être légerement dérangé par son oeil unique implacable, et sa bouche qui ne tremble ni ne rit pas.

En tant que compagnon, vous avez pu découvrir en lui quelqu'un de fiable, d'une grande honnêteté et doté d'un certain sens de l'honneur... un sens de l'honneur Izgane tout du moins. Vous l'avez déjà vu prendre des risques que d'autres ne prendraient pas, mais ceux ci sont toujours calculés: la preuve, il est toujours en vie et compte bien le rester encore une ou deux dizaines d'années.

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Si on jurerait le contraire à le regarder,"Le Vieux" n'a pas toujours été vieux, et il avait alors un nom: Nel. Fils de bohémiens, le quotidien de son enfance était fait de voyages: sans attaches, les siens découvraient chaque jour de nouveaux paysages; par delà des chemins, par delà des songes.
Le soir, la famille campait près d'un point d'eau, et, regroupée autours de la magie du feu, riait d'être ensemble, les yeux aussi brillants que les étoiles. On s'émerveillait, on chantait, on dansait sur la vie palpitante que l'on menait. Cétait facile: l'oncle Shasell en parlait si bien du rythme endiablé de sa guitare.

Il fallait bien gagner sa vie, aussi lorsque la pêche et la cueillette ne suffisaient pas, on s'arrêtait dans les bourgs pour distraire les habitants de ses honnêtes activités de forain, tandis que les plus jeunes garçons et filles de la caravane s'adonnaient à de moins-honnêtes activités de tires-laine. Il ne fallait rien y voir de mesquin, il était parfaitement entendu que les choses devaient se passer ainsi. Sinon, personne ne laisserait son argent à portée de petites mains agiles, et les enfants villageois accepteraient de jouer avec les petits bohémiens. Non ?

Comme Nel grandissait, il fallait lui trouver une place dans la caravane. Sa dexterité manuelle et sa minutie hors du commun le prédisposaient au métier de jongleur. On laissa donc la vieille Emée lui enseigner cette activité, car elle avait une grande expérience dans le domaine avant que l'arthrite ne lui interdise de se produire plus jamais. A la suite de rapides progrés, Nel écarta vite les ennuyeuses quilles pour des objets beaucoup plus brillants et amusants: les couteaux. C'est à cette époque qu'on commenca à le surnommer l'As de Pique: il en fit son nom de scène.

Son talent était prodigieux, il pouvait tuer une mouche en plein vol. Mais s'il remportait l'admiration des spectateurs aussi bien que de ses pairs, il ne pouvait s'empêcher d'être rongé de jalousie. Celà faisait déjà quelques jours que la famille s'était arrêté à Jeansébourg, et l'endroit étant agréable, les doyens décidèrent d'y achever la semaine. Quatre jours durant ils firent leur représentation. Les quatre jours durant ce petit homme gras était venu pour voir Molly. Il était pataud, portait mal sa toge d'initié, avait des cheveux filasses et des oreilles de lapins; mais Molly rougissait lorsque son regard se posait sur lui. Nel aimait bien sa cousine Molly ... oui voilà, il l'aimait bien. Et pour son bien, il ne laisserai pas un salaupiaud de citadin l'engrosser et la mettre dans une de ces boîtes qu'ils appellaient "maison". La seule vraie vie est de parcourir le monde, libre, avec sa famille...
C'était simple, et clair comme de l'eau de roche. Un soir, alors qu'ils étaient seuls dans les rues, il saisit l'initié par le col, le plaqua contre le mur et d'un geste souple trancha la panse obèse et flasque qui empêchait ses entrailles de se déverser sur le sol. Il mit du temps à crever ce porc, c'était bien ... Fier de lui, l'As de Pique retourna parmis les siens et participa plus que jamais à l'ambiance festive de la soirée.

Un coup de poing le réveilla. Deux hommes le tiraient de sa couche et le trainaient à l'extérieur. Nel ne comprenait pas: il n'avait pas encore décuvé de la veille. Puis avant qu'il ne le réalise, il se retrouva dans une petite pièce exigüe et froide, l'esprit embrumé et le goût du sang dans la bouche. Plus tard, on vint le prévenir qu'il était accusé du meurtre d'Olaf Perdrix, qu'une femme l'avait surpris durant son office, et que ce n'était pas encore décidé, mais que les chiens comme lui finissent toujours par nourir les mandragores.

Puis il fut seul.

Alors il attendit. Le sol était froid, le dallage régulier. Les pierres du mur étaient lisses, sauf à certains endroits ou des dessins étaient gravés, ainsi que d'autres formes qui ne voulaient rien dire. Il y avait un pot dans un coin, pour faire ses besoins. Il entreprit avec son doigt de suivre les pourtours d'une pierre, pour s'occuper l'esprit. Puis, lassé, il arrêta. Et comme il n'avait rien d'autre à faire, il reprit. Au cours des semaines qui suivirent, ses doigts eurent l'occasion de faire la connaissance de tous les recoins de la pièce.

Un jour, la porte s'ouvrit, et c'était son père, inexpressif, qui se tenait dans l'embrasure. Sans un mot, l'As de Pique se redressa et sortit, son paternel lui emboitant le pas. Ils ne rencontrèrent pas un garde alors qu'ils cheminaient dans la prison. Ils s'en allèrent par la porte principale.
Devant le bâtiment, la caravane était préparée. Ils grimpèrent dans une cariole et la procession se mit en marche. Molly l'attendait. Nel soutenait le silence de son père, mais le regard de Molly était froid, et avait la couleur du reproche. Le jeune Izgane crut toutefois discerner une touche de fierté au fin fond de ses yeux. Il sourit interieurement: <<Mon cousin est un homme>> se disait-elle.

Quelques années passèrent, et la vieille Emée en mourut. On la pleura beaucoup: c'était une femme bonne. Mais la vie est un fleuve et tous les fleuves finissent à la mer, alors on accepta.

Ca avait d'abord commencé de façon bénigne: quelques mauvais rhumes, la cariole qui cahotait alors qu'il buvait son thé, la malchance aux dés. Puis celà prit une plus grande ampleur: les résèrves d'eau qui étaient toujours un peu plus à sec qu'on ne le croyait, les bêtes sauvages qui étaient plus téméraires qu'à l'accoutumée. Il y a même une fois où, alors que Nel jonglait avec ses lames, l'une d'elle percuta un oiseau qui volait en rase motte. Celui ci manqua d'achever sa course sur sa mère, la blessant mortellement. C'est son meilleur ami, Jisstan, qui le lui dit en secouant la tête: <<T'as la poisse, mec>>

On s'en inquiéta. Chez les Izganes, le Mauvais Oeil est fui autant que la peste. Au rassemblement manouche suivant (Ceux ci avaient lieu une fois l'an. On y festoyait principalement, et les jeunes couples s'y formaient), on le présenta à Estrella, une femme sommes toutes bien étrange, mais reconnue pour ses talents de voyante. Après avoir examiné les mains de l'As de Pique, elle repoussa celles-ci avec horreur: <<Tu es maudit ! l'accusa-t-elle. Tu as commis un acte indicible et attiré sur toi les foudres d'Arlam !>>. Puis, le dégoût passé, elle fit choir quelques poudres colorées dans un bol de lait de chèvre, touilla lentement le tout en fixant le contenu du récipient. Sans relever la tête elle lui dévoila sa prophétie: <<Tu chercheras la rédemption. La route sera difficile: les voyageurs la fuient. Tu croiseras des gens en chemin. Beaucoup seront tes ennemis, mais ce n'est pas eux qui te feront souffrir. Tout ce qui te sera offert te sera repris, et tout ce que tu ne donneras pas pourrira en toi.>>. Elle le jugea du regard: <<La finalité de l'affaire, je ne la connais pas.>> Un blanc. <<Maintenant, déguerpis de chez moi, oiseau de malheur>>

Messages : 4 Date d'inscription : 02/02/2009 Age : 33

Alors, Gadjos, on m'avait oublié ?

Le ton empli de mépris avec lequel l'homme vous a apostrophé rappelle au souvenir de ceux qui ont eux la relative chance de cotoyer le personnage un nom parmis d'autres: l'As de Pique.

J'avais des choses ... à régler ces derniers temps.

Il transperce les visages alentours de son oeil borgne, vous sentez comme une accusation dans ce regard. Il crache par terre.

Vous avez monté votre business ... ouai c'est bien. Les ... Lames c'est ca ?

Il ricane doucement.

Bah mes respects... préfêts.

Il se retire après avoir esquissé un vague salut.